L'humour au travail

Au travail, il est important de maintenir un climat de sérieux. Or, l’humour peut améliorer le moral et la santé des employés. Le défi consiste à bien le doser.

par Debbie Therrien : Management

Qui n’aime pas rire un bon coup de temps en temps? N’est-il pas naturel de vouloir s’amuser de la sorte de temps à autre au travail? Après tout, c’est souvent là qu’on en a le plus besoin.

Mais tous ne sont pas convaincus qu’il s’agit d’une bonne idée. Beaucoup de patrons croient qu’il ne faut pas mélanger les affaires et le plaisir et ont du mal à reconnaître la valeur de l’humour au travail. Les gens sont là pour travailler et non pas pour rigoler, n’est-ce pas?

Utiliser efficacement l’humour est une opération digne d’un équilibriste. Les messages qu’on nous envoie sont contradictoires. D’une part, on nous dit que « le sourire est contagieux » et que « le rire, c’est la santé ». D’autre part, au travail, on nous demande de garder notre sérieux et à l’occasion, on nous rappelle à l’ordre en nous disant d’arrêter de « faire le pitre ». Beaucoup de gens pensent que s’ils sont drôles, ils ne seront pas pris au sérieux.

Selon Michael Kerr, l’auteur de l’ouvrage You Can’t Be Serious Putting Humor to Work, l’humour n’est pas seulement un outil, mais aussi un baromètre qui nous renseigne sur l’état de santé et le bon fonctionnement d’un milieu de travail. Dans ses ateliers truffés d’humour, il invite les participants à combattre le stress, à se remonter le moral et à être plus productifs, plus créatifs en tirant profit de leur sens de l’humour.

Si vous doutez des bénéfices que peut rapporter l’ajout d’un peu d’humour dans votre journée de travail, considérez les points suivants :

  • Le rire est bon pour la santé : Selon certains chercheurs, les personnes dotées d’un bon sens de l’humour sont moins souvent malades et elles se rétablissent plus rapidement. Le rire stimule le système immunitaire, réduit la production d’hormones de stress et augmente le taux d’endorphines.
  • L’humour atténue les effets négatifs du stress : De nombreux psychologues soutiennent que l’humour est l’antithèse même du stress. Il nous permet de mieux gérer nos émotions et nous aide à surmonter les crises.
  • L’humour nous aide à résoudre les problèmes : En nous amenant à voir nos problèmes d’un autre œil, il nous permet de prendre le recul nécessaire pour trouver une solution. L’humour stimule la créativité et fait naître de nouvelles idées. Il peut nous aider à aborder les problèmes avec une approche novatrice.
  • L’humour renforce l’esprit d’équipe: Il fait éclater les stéréotypes et favorise un sentiment de cohésion au sein du personnel. Il crée des références communes qui rappellent aux employés qu’ils font tous partie de la même équipe. Et les équipes qui rient ensemble travaillent bien ensemble.

Privilégier l’humour au travail pourrait très bien devenir la nouvelle arme des ressources humaines pour combattre les effets négatifs du stress qui, selon une nouvelle étude du Conference Board du Canada, atteignent des proportions alarmantes dans bon nombre d’entreprises. Les statistiques révèlent que les maladies mentales sont en hausse, que nous passons de plus en plus de temps au travail en dépit des horaires flexibles et que l’absentéisme coûte environ 3 milliards de dollars par année.

Certaines sociétés ont déjà adopté une ambiance plus décontractée et utilisent le sens de l’humour pour établir un meilleur esprit de corps avec le personnel. Et elles ont obtenu des résultats inespérés. Beaucoup d’entre elles font partie de secteurs d’activité hautement concurrentiels, où les employés sont exposés à une pression quasi constante.

Southwest Airlines a compris une chose que la plupart d’entre nous ont oubliée : si quelque chose est amusant, les gens n’ont pas le goût de s’en passer. Alors que les autres transporteurs aériens américains battent de l’aile, Southwest est sur le point de terminer une deuxième décennie de bénéfices records. Le président et chef de la direction, Herb Kelleher, croit que le plaisir au travail se traduit par un meilleur service à la clientèle. Ainsi, pour attirer l’attention des passagers sur les consignes avant le décollage, un employé chantera un air populaire ou fera une présentation humoristique du type : « Nous invitons ceux qui veulent fumer à se rendre au barsalon sur l’aile, où ils pourront regarder le film Autant en emporte le vent. » M. Kelleher soutient que le comité culturel, un groupe de 70 employés mis sur pied pour promouvoir les valeurs et l’esprit de l’entreprise, constitue son équipe la plus précieuse.

Comment une entreprise peut-elle intégrer l’humour dans le travail au quotidien? « En embauchant des candidats qui ont le sens de l’humour et une attitude positive, avance Michael Kerr. Les employeurs devraient inclure l’humour sain (par opposition à un humour déplacé) dans leurs valeurs fondamentales. »

C’est exactement ce que fait WestJet Airlines de Calgary. Les candidats à des postes de première ligne, comme les agents de bord et le personnel des centres d’appels, prennent part à des entrevues collectives où ils doivent raconter des histoires, faire des blagues et participer à divers jeux. Le président et chef de la direction Clive Beddoe croit qu’il s’agit de la meilleure façon de recruter des gens amusants et dynamiques. Son leitmotiv : les employés heureux rendent les clients heureux. WestJet détient actuellement le record nord-américain du temps d’escale le plus court — à peine six minutes.

Ajouter une dimension humoristique au travail ne se fait pas du jour au lendemain. Cette démarche doit bénéficier du soutien de l’ensemble de l’organisation, notamment de la direction, et elle doit être adaptée à la culture de l’entreprise. Ainsi, on n’intègre pas un peu d’humour dans un cabinet d’experts-comptables de la même manière que dans une entreprise de fabrication.

Il y a quelques années, les membres de Scott, Batenchuk & Co., un cabinet d’experts-comptables situé à Burlington, avaient de la difficulté à recruter des personnes de talent. Ils se sont dit que s’ils amélioraient l’ambiance et créaient un environnement de travail amusant, cela leur permettrait de garder les employés faisant déjà partie de leur équipe et d’attirer de nouveaux candidats.

Glenn Taylor, associé du cabinet, décrit le procédé qui a transformé son organisation: « Nous avons inclus la notion de “plaisir” dans la vision de notre cabinet, nous avons mis sur pied un comité social composé de bénévoles provenant des différents secteurs de l’entreprise, nous lui avons affecté un budget et avons permis à ses membres de laisser libre cours à leur créativité. » Ceux-ci organisent plusieurs événements amusants durant la période la plus occupée de l’année, de février à avril. Ces activités comprennent un repas de crêpes où associés et cadres se portent volontaires pour cuisiner; une soirée de quilles où cette année, chaque personne devait se présenter avec une coiffure « fofolle »; un tournoi de golf pour le personnel et une fête le 30 avril. Tout au long de l’année, d’autres événements de moindre envergure permettent aux employés de se rencontrer, de converser et de faire plus ample connaissance.

« En moins d’un an, cette valorisation de l’humour au sein de notre bureau a eu des retombées exceptionnelles, indique M. Taylor. Les clients nous ont fait des commentaires sur le dynamisme et la cordialité des gens qui travaillent ici, et nous pouvons clairement en constater les effets positifs, tant sur le plan de l’embauche que sur celui du maintien de notre effectif. Le taux de roulement de nos employés est aujourd’hui inférieur à la moyenne de l’industrie. »

L’humour le plus efficace au travail est celui qui met l’accent sur les traits communs entre les gens plutôt que sur leurs différences. Il permet d’accepter les absurdités de la vie et de s’en amuser; de partager des plaisirs simples avec les autres et, surtout, de rire de ses propres faiblesses et travers. Le plaisir et le travail ne sont pas mutuellement exclusifs. Lorsqu’une personne montre son côté humain, les autres sont plus portés à aller vers elle, ce qui engendre une bonne communication et un échange d’idées prolifique.

Selon Michael Kerr, il existe des centaines de façons de rendre le climat de travail plus léger. En voici quelques-unes :

  • installer un babillard humoristique;
  • ajouter une pause « humour » à l’ordre du jour des réunions;
  • proposer au personnel de participer à des journées thématiques;
  • laisser les employés personnaliser leur environnement de travail;
  • organiser des concours avec les employés (par exemple, assortir les employés à leur animal domestique); et
  • célébrer les anniversaires, les grandes étapes professionnelles et les réalisations.

Certains experts en gestion sont convaincus qu’un travail qui ne laisse aucune place au jeu rend les employés malheureux et improductifs. Même Aristote a dit : « Nous jouons parce que nous ne pouvons pas toujours travailler. »

De nos jours, l’argent ne suffit pas pour retenir un employé. De plus en plus, les entreprises doivent offrir des conditions et un cadre de travail qui contribuent à l’état général, non seulement sur le plan professionnel, mais aussi sur le plan de la satisfaction personnelle et de la qualité de vie. Les gens sont en train de découvrir que le travail peut être un jeu et que ce jeu peut être extrêmement productif.

Comme l’a déclaré l’humoriste Bill Cosby : « Lorsqu’on peut rire de quelque chose, alors on peut s’en sortir. »

Source de motivation intrinsèque, le plaisir se révèle à l’analyse très payant pour l’entreprise.

Debbie Therrien est une rédactrice pigiste établie à Toronto.